Des chiffres qui donnent le tournis. Avec 6000 personnes présentes cette année, la Natural Hair Academy 2017 était le rendez-vous incontournable autour du cheveu naturel afro. Au Parc Floral à Paris le 10 juin dernier, la 6ème édition rend hommage à la beauté noire mais aussi aux femmes noires et à leur place dans la société. Conférences, ateliers et défilés ont rythmé cette journée de partage. La Natural Hair Academy 2017, un conte de fées pour petites et grandes ? C’est justement la thématique du défilé cette année, Natural Fairy Tale, l’un des temps forts de ce rassemblement. Au coeur des backstages, nous avons rencontré DydyNaturalHairLover, l’une des Hair Stylists du défilé. Retour sur son expérience plus qu’intuitive au sein de la NHA, en mots et en images.
– Depuis quand participez-vous à la Natural Hair Academy en tant que Hair Stylist ?
Je suis partie prenante de l’aventure NHA depuis 3 ans. A ma première édition en 2014, je suis intervenue dans le cadre d’une conférence avec une Hair Stylist de renom, Felicia Leatherwood, qui m’avait proposé de l’accompagner.
En 2015, la NHA me propose de tenir un atelier conférence démonstration coiffures, pour aider celles qui le souhaitent à trouver des inspirations coiffures pratiques. Je participe également aux cotés de Felicia et Jennifer Lord au premier défilé Haute Couture de la NHA en tant que HairStylist. Puis en 2016, l’équipe de la NHA m’a confié la direction artistique du défilé « Natural Flowers » avec 10 modèles.
Cette année, je participe au défilé avec 2 modèles de ma création. De même que mes 3 consoeurs** Nadeen Mateky, Sephora Joannes, VV Jewelz de Londres. Ces femmes sont des amies et aussi de grandes inspirations, je reste admirative de leur art capillaire aux références ancestrales. Etre toutes réunies au sein de cet évènement hors du commun, quoi de mieux pour partager et créer des œuvres inédites. Pour moi, cette édition est l’opportunité de pouvoir présenter nos inspirations, notre univers et de travailler toutes ensemble sur un même projet.
– Cette année, la thématique du défilé était « Natural Fairy Tales ». De quoi s’agit-il ?
On parle de cheveux Naturels à la NHA. C’est donc tout naturellement que l’on a adapté le conte de fées aux cheveux afro mais surtout dans le paradigme de la femme noire africaine. Pour « Natural Fairy Tale, l’équipe de la NHA nous a d’abord demandé de travailler sur l’histoire du conte de fées, en corrélation avec notre travail sur le cheveu naturel. Où comment proposer une féérie, un récit où les femmes noires pourraient s’identifier. Nous nous sommes inspirées des univers dans lesquels nous évoluons chacune, de notre façon de concevoir la coiffure afro, de notre spiritualité etc… Créer des personnages, des fées, des déesses qui parlent aussi bien aux grandes qu’aux petites.
– Quelles ont été vos inspirations pour vos 2 modèles ?
Pour le modèle à dominante verte, mon inspiration a évolué au fur et à mesure de son élaboration. De la naissance de l’idée jusqu’au jour J en backstage. Au début je pensais à une fée liée à la nature car j’ai un rapport très particulier avec cet univers qui apaise mon esprit, me recharge en énergie.
J’ai travaillé sur la confection de la coiffure avec de longues locks vertes semblables aux lianes d’un arbre gigantesque. Pour moi les cheveux naturels Afros sont comme des antennes qui nous lie à l’Univers dans lequel nous sommes… Ces locks symbolisent donc cette connexion de l’être humain au monde. Je les ai décorées avec des bagues dorées et des cauries pour conceptualiser le coté chic et mystérieux. Plus j’avançais dans la mise en scène avec ma maquilleuse, plus certains attributs me venaient à l’esprit : la joie, la beauté, l’amour… Ma fée me rappelait la déesse égyptienne Hathor qui me fascine tout particulièrement. Elle avait aussi ce côté mystique d’une prêtresse vaudou, à la spiritualité très bénéfique à mon sens. Cette création m’a fait du bien.
En ce qui concerne mon deuxième modèle, qui portait une combinaison grise métallisée, elle exprime mon rapport avec la Lune. Cet astre me détend. Quand vient la pleine lune, je fais beaucoup de petits rituels personnels, je lui parle, je demande des choses. J’aime cette idée des cycles lunaires, cela me rappelle ceux de l’être humain dans son incarnation, toutes les phases par lesquelles il passe. Cette fée Cosmique avec ses petites antennes, toujours en connexion au monde, m’a beaucoup inspiré. Et mon modèle incarnait tout cela à la perfection.
J’ai tenu à collaborer avec Serge Kponton pour l’énergie qu’il insuffle aux personnages via son body painting sur le corps des femmes. J’ai découvert son travail il y a 2 ans à l’Africa Montmartre, je suis restée bluffée devant l’une de ses toiles. J’ai eu aussi l’occasion de porter une de ses créations sur mon visage. Cette expérience m’a beaucoup émue. J’admire le travail artistique de Serge mais surtout l’incarnation que revêtent les personnes sur lesquelles il dessine, c’est magique. Je rêvais d’une collaboration, c’est chose faite à la NHA. Je voulais aussi que mes modèles ressentent cette même énergie, je crois que c’est réussi.
– Depuis quand avez-vous le cheveu naturel ?
J’ai les cheveux naturels depuis 2012. Au début, c’était pour le style car la tendance arrivait en France. J’ai sauté le pas en me rasant littéralement la tête. Et là, mon aventure personnelle a commencé. Je ne me suis pas reconnue tout de suite dans le miroir. J’ai appris à me re-découvrir, je suis revenue à moi-même. Tout s’est enchaîné, j’avais une nouvelle conceptualisation de ma beauté. Ma spiritualité a évolué, je suis enfin tombé en accord avec moi-même.
– Aujourd’hui, le cheveu naturel est plus qu’une simple tendance. Un besoin de s’affirmer, parfois militant, un symbole de l’empowerment féminin… Face à cet engouement, quelle est la portée d’un évènement comme la NHA ?
A mon sens, la Natural Hair Academy c’est l’évènement du cheveu naturel afro en France, et même en Europe qui réunit autant d’acteurs et de mobilisation. Chaque année, l’équipe de la NHA place la barre plus haut. C’est un rassemblement de femmes qui s’assument, échangent et se conseillent aussi entre elles. Il y a une vraie osmose générale entre le public et tous les acteurs et créateurs présents. Alors oui au début on pouvait parler de tendance, le cheveu naturel afro était et est encore aujourd’hui à mon sens un engagement politique. Mais je pense qu’avec le temps il laisse place surtout au plaisir d’être soi-même et de partager cette magie avec les autres.
La NHA n’est pas « réservée » uniquement aux femmes qui portent le cheveu naturel afro. Cet évènement est ouvert à toutes les femmes qui s’y intéressent de près ou de loin. Beaucoup d’entre elles n’ont pas passé le cap du cheveu naturel, viennent pour avoir des infos avant le grand saut… Certaines ont encore des à priori vis à vis du cheveu naturel afro, liés à leur expérience personnelle, leur éducation, leur culture, etc. Mais généralement ces à priori s’en vont après une journée à la NHA où toutes les thématiques sont abordées. C’est une grande célébration de la femme et de la femme noire, celle qui n’est pas représentée. Une célébration de l’estime de soi.
– Un message destiné aux femmes ?
La première chose à faire, c’est un retour sur soi. Se familiariser avec son reflet dans le miroir, est-ce que je suis à l’aise avec celle que je vois. Ou plutôt qui je veux être et comment. Et surtout ne pas se définir par rapport aux codes, aux règles, aux cases dans lesquelles nous enferme le système occidental.
Avec mes clientes, avant même d’aborder l’esthétisme de la coiffure, le style, on parle d’abord d’elles, de qui elles sont au fond. Car le rapport aux cheveux, à la beauté en elle-même est d’abord lié au rapport à soi, à un retour sur sa propre personne.
Mon message aux femmes et aux femmes noires en particulier, c’est qu’il est temps que nous reprenions notre place. Tout simplement « être » celles que nous sommes.
Textes : Cathy THIAM
DÉFILÉ NATURAL FAIRY TALE
Photos : © Serge Kponton
**Hair Stylists du défilé Natural Fairy Tale
Texte : Natural Hair Academy, http://nhaparis.com/
NADEEN MATEKY : Coiffeuse professionnelle depuis 10 ans, Nadeen exerce dans différents domaines artistiques comme le court et le long métrage, le clip musical, la publicité, la photo et l’évènementiel. Elle sublime le cheveu crépu et aborde la coiffure comme un art à part entière. Elle est également la hairstylist de nombreuses personnalités notamment celle d’Aïssa Maïga.
SEPHORA JOANNES : Sephora Joannes est une artiste capillaire à part entière. Elle magnifie le cheveu crépu et appréhende ses créations comme de véritables œuvres d’art. Elle voue une passion dévorante au cheveu crépu et frisé et se laisse guider par son talent pour nous offrir des sculptures capillaires à couper le souffle.
VVJEWELZ : VVJewelz est une coiffeuse autodidacte qui officie à Londres et à Paris, elle partage également régulièrement ses créations capillaires sur ses réseaux. Les mots créativité et fantaisie la décrivent à merveille. Son leitmotiv ? Révéler la beauté naturelle de chacune de ses clientes.
Sur le même thème